jeudi 2 juin 2011

"La panne sèche" (12-13 ans)

Petite nouvelle écrite vers mes 12-13 ans :)
Je suis l'imagination d'un écrivain. Ce n'est pas un métier de tout repos...
Encore le mois dernier, j'ai eu quelques problèmes avec mes collaborateurs. Je travaille en effet avec d'autres amis qui aident mon écrivain à continuer son roman de science-fiction. Le collègue qui m'est le plus cher a décidé de se prendre des vacances en plein milieu de l'année : Inspiration a pris le train pour l'Asie et m'a laissée seule avec mon auteur à faire travailler ! Sans elle, je suis foutue ! Impossible d'écrire... c'est la panne sèche ! Je suis donc rentrée du boulot, encore démoralisée par la mauvaise nouvelle et devinez qui j'ai croisé ? Trou ! Non, je ne suis pas tombée dedans, c'est juste le nom d'un de mes plus grands ennemis. trou est un petit nom masculin dégarni et mesquin. Quand on tombe sur lui, on est sûr de passer un mauvais moment, surtout quand on a perdu Inspiration... Il m'a suivie jusqu'à l'arrêt de bus puis jusque chez moi où il s'est invité à rester.
"Je m'installe dans la chambre d'amis !" a-t-il crié. Seulement, ce n'est absolument pas un ami. C'est ce que je lui ai dit, mais il n'a pas bougé d'une lettre. Encore, si je n'avais eu que lui ! Mais non, il a fallu que je me coltine Réaliste et Évolution !... Ces deux-là sont super doués pour m'empêcher d'écrire par tous les moyens ! Anti-science-fiction, ils se refusent à accepter le surréaliste et l'impossible... atroce.
"C'est n'importe quoi ce que tu fais dire à l'écrivain dont tu te charges !" m'a lancé Réaliste dans un ricanement tonique. Je lui ai répondu : "J'INVENTE, moi, je n'ai pas besoin de réel !", et je les ai mis à la porte.
Bon, la situation était critique : Trou squattait chez moi et Inspiration se cherchait en Asie... J'ai pensé un instant la rejoindre. Heureusement que je ne me suis pas écoutée car là-bas on croise Déprime à tous les coins de rue et elle est très dangereuse pour mon écrivain... Donc, je n'avais plus aucune issue à part téléphoner à un vieil ami, mon seul espoir. Ce monsieur s'appelle Ressource. C'est celui qu'on appelle quand c'est vraiment la panne d'encre et que la plume fait grève.C'était alors le seul à pouvoir me fournir le numéro de Idélogiques et Fantastique, les deux collègues qu'il me restait pour écrire.
Fantastique est ma belle-mère, car mon père, Intrigue, s'est marié une première fois avec Suspens et est né Policier, mon demi-frère. Puis il a divorcé et s'est remarié avec Fantastique. Ils n'ont pas eu d'enfants, ils n'étaient pas faits pour s'entendre... Moi je suis le fruit de l'union étrange entre mon père et Grain de folie, ma mère. Mais c'est une autre histoire...
Idélogiques, lui, est un vieil ami d'Université. Je décrochai donc mon combiné et composais le numéro de Ressource. Au lieu de celui que je m'attendais à entendre, je tombai sur Fotedortografe... C'est un vrai pot de colle celle-là. Quand elle vous tient, elle ne vous lâche plus et vous ne pouvez alors vous empêcher de faire une faute par mot. Je l'ai écoutée blablater pendant dix bonnes minutes (on sentait ses fautes rien que dans sa diction) et j'ai réussi à profiter d'un moment de blanc entre "j'lui è die" et "tu voie ?" pour lui demander d'appeler Ressource. Elle a maugrée un instant et est finalement allée le chairchai... euh, pardon, chercher. Le vieux bonhomme a dit qu'il ne pouvait pas m'aider et que je devais m'adresser à quelqu'un d'autre. Il m'a conseillé d'appeler Futuriste, le fils de Madame Passé Composé et de Monsieur Futur Antérieur (il a pris plus de son père). Il m'a dit que c'était un jeunot qui connaissait peu le travail, il avait à peine dix-huit ans et travaillait depuis trois ans car personne n'écrivait de roman futuriste avant, on préférait le réaliste.
J'ai donc pris le métro qui était encombré ce soir d'hiver par quelques personnes peu convenables : tout d'abord, Endormant m'a parlé de son écrivain avec une voix lasse et presque atone qui a bercé mon coeur d'une horreur monotone... Puis j'ai eu le plaisir d'entendre Critique chanter les louanges de son auteur préféré. Bref, c'est avec une joie non-contenue que j'ai quitté les souterrains du métro. Je me suis enfoncée dans la banlieue où trainaient Haine et Révolte, vers la cité de Desespoir. J'ai grimpé les escaliers tagués de l'immeuble n°651 et j'ai frappé à la porte de Futuriste. Avant de pouvoir lui parler j'ai dû embrasser toute la petite famille : l'aîné, Imparfait, qui a toujours entretenu une haine sans limites pour son cousin bien-aimé Plus que Parfait (encore une histoire de jalousie), à Présent de Narration et son frère jumeau plus sérieux, Présent de Vérité Générale (sérieux, mais pas précis). Puis j'ai finalement déposé un fin baiser sur le ventre de Madame Passé Composé qui attendait le petit Futur Passé, un genre grammatical encore inconnu...
J'ai enfin pu rejoindre Futuriste dans sa chambre et lui ai exposé mon problème. Il avoua ne pas être très expérimenté dans la science-fiction, mais promit de m'aider. Je l'invitai donc chez moi où m'attendait mon mari Aventure (on fera de superbes enfants). Je leur concoctai un sublime petit plat composé de quelques pincées d'humour et de notes de sensualité bien épicées. C'est une recette parfaite pour les soirées romantiques !
J'ai donc travaillé avec Futuriste pendant assez longtemps pour voir repointer le bout du nez d'Inspiration qui s'était lassée de l'Inde.
Voilà une de mes nombreuses histoires. Je vous rassure, aujourd'hui, mon écrivain réécrit, et va même devenir très connu.